Quel est le point commun entre Charles Péguy, Georges Sorel, George Orwell, Simone Weil, Michel Clouscard, Guy Debord, Jaime Semprun, Pier Paolo Pasolini, Christopher Lasch, Serge Latouche, Michel Onfray, Régis Debray, ou encore Jean-Claude Michéa ? Pour Amaury Giraud, qui a consacré une thèse de doctorat à ces auteurs, ils seraient tous des « conservateurs de gauche » ou des « socialistes antimodernes ». C'est-à-dire, qu'à rebours de leur famille politique, ils sont capables de défendre le local ou le patriotisme, ainsi que la notion de « limites » ; ils peuvent se montrer nostalgiques à l'égard de certaines périodes passées, ils pourfendent la modernité, l'idéologie du progrès ou, pour certains, le « libéralisme-libertaire » issu de Mai 68 ; ils se montrent sceptiques à l'égard du sans-frontiérisme et de certaines évolutions sociétales.

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Dans son travail de recherche, dont il a tiré un livre, Amaury Giraud montre en quoi ces auteurs paradoxaux à la pensée marginale se montrent pourtant cohérents et comment un certain conservatisme peut parfaitement se marier à l'anticapitalisme et la lutte des classes. Pour le jeune docteur, il est même possible de rattacher les idées des auteurs qui composent ce « courant informel » à celles des premiers socialistes du début et du milieu du XIXe siècle, en particulier de Friedrich Engels, Karl Marx, Pierre Leroux, Paul Lafargue et Pierre Joseph Proudhon.

Marianne : Vous évoquez un « courant informel » que vous nommez « conservatisme de gauche », « socialisme conservateur » ou encore « socialisme antimoderne ». De quoi s’agit-il ?

Amaury Giraud : Il s’agit, à mon sens, d’une philosophie politique singulière représentée par différents acteurs intellectuels qui forment les rangs d’un courant « informel » (en ce qu’il n’est pas unifié, rationalisé et, au fond, monolithique) en même temps qu’il semble, a priori du moins, « improbable » dans ses conceptualisations. En cela, ce groupement d’idées est « atypique » puisqu’il procède à un cumul de registres politico-discursifs en apparence antithétiques et contradictoires.

Dans les représentations collectives, ce que l’on désigne habituellement comme étant « la gauche » est associé au « progrès », à la « transformation », voire à la « révolution » et à la « modernité ». À l’inverse, « la droite » renvoie, instinctivement du moins, au « conservatisme », au « passéisme », à la « tradition », voire à la « réaction ».

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Patriotes, critiques du progrès et défenseurs des limites : on vous présente les "conservateurs de gauche"

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14.03.2024

Quel est le point commun entre Charles Péguy, Georges Sorel, George Orwell, Simone Weil, Michel Clouscard, Guy Debord, Jaime Semprun, Pier Paolo Pasolini, Christopher Lasch, Serge Latouche, Michel Onfray, Régis Debray, ou encore Jean-Claude Michéa ? Pour Amaury Giraud, qui a consacré une thèse de doctorat à ces auteurs, ils seraient tous des « conservateurs de gauche » ou des « socialistes antimodernes ». C'est-à-dire, qu'à rebours de leur famille politique, ils sont capables de défendre le local ou le patriotisme, ainsi que la notion de « limites » ; ils peuvent se montrer nostalgiques à l'égard de certaines périodes passées, ils........

© Marianne


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