Marianne : Pouvez-vous revenir sur la définition d’une femme ? En quoi est-ce si important de le rappeler ?

Pauline Arrighi : Une femme est un être humain, qui a le plus souvent, sauf exception, deux chromosomes X et un certain rôle dans la procréation. Elle peut, sauf anomalie médicale, porter un enfant. Cette définition n’est pas futile. La division de l’humanité en deux, sauf exceptions, est importante biologiquement comme socialement.

En quoi la définition proposée par les études de genre vous gêne ?

Une nouvelle définition de ce que sont un homme et une femme est arrivée récemment. Elle veut s’affranchir de la biologie. Normalement, on définit quelque chose par des critères observables. Les femmes et les hommes ont des caractéristiques observables dans l’ADN et dans le corps.

Aujourd’hui, on essaie d’ignorer des critères factuels, au profit de nouveaux critères très nébuleux : « Je suis une femme parce que je me sens femme. » C’est tautologique et cela n’explique rien. La définition repose donc sur un discours. Est une femme qui se considère comme telle et la société doit s’adapter à cela.

Votre livre s’intitule Les ravages du genre. Le concept de « genre »a le mérite de rappeler qu’hommes et femmes sont assignés à des rôles sociaux, qui ont contribué à inférioriser les secondes, mais qui ont aussi porté atteinte à ceux qui s’en écartaient, par exemple les hommes jugés pas assez virils. N’est-ce pas un progrès ?

La définition du mot « genre » a aussi évolué. Au départ, cette notion permet de distinguer la réalité du corps des rôles sociaux ou des traits de personnalité, qui lui sont associés. Ce n’est pas parce que les femmes portent les enfants et accouchent qu’elles doivent se cantonner aux rôles domestiques. À l’inverse, les hommes ne sont pas naturellement dominants. Distinguer la biologie du corps et le rôle social est un vrai progrès.

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Mais aujourd’hui, le genre prétend que le rôle social fait la réalité de la personne. Donc, que si je ne m’identifie pas au rôle social assigné aux femmes et à la « féminité », c’est je ne suis pas une femme. Il s’agit d’un retournement.

Cette vision réintroduit les stéréotypes : la femme porte des robes et met du rouge à lèvres. Et si un homme fait de même, c’est qu’en réalité, c’est une femme…

Oui, c’est cela. Au cours de mon enquête, j’ai constaté quelque chose d’intéressant. Beaucoup de jeunes hommes et de jeunes filles, des homosexuels ou des lesbiennes, sont très mal acceptés dans leur milieu. Au lieu de défendre l’idée que l’homosexualité n’est pas un problème, les défenseurs du genre expliquent à ces jeunes, qui ne se reconnaissent pas dans les critères de la virilité et de la féminité, qu’en réalité, ils sont transgenres.

« L’homophobie peut nourrir le transgenrisme. »

Ce n’est pas anodin, une fille qui croit qu’elle est un garçon risque de se faire entraîner dans un parcours, d’abord social – on va l’appeler par un prénom masculin –, qui va la renforcer dans cette croyance. Cela peut aboutir à des prises d’hormones et des mutilations, comme l’ablation des seins puis de l’intégralité de l’appareil reproducteur.

Vous allez jusqu’à dire que la « réassignation de genre » peut s’apparenter à une nouvelle forme de « thérapie de conversion ».

Ces jeunes qui se seraient épanouis en tant qu’homosexuels ou en tant que lesbiennes, finissent par faire des transitions pour changer de sexe. Ainsi, une jeune fille lesbienne deviendrait un jeune homme hétérosexuel. On crée ainsi des hétérosexuels. Dans le livre, je donne plusieurs exemples de jeunes qui disent : « Je n’étais pas accepté comme homosexuel. Mais comme fille trans, ça va, parce que c’est moins la honte d’avoir une fille trans hétéro. »

Hors d’Occident, il y a un exemple extrême : celui de l’Iran, où l’homosexualité est punie de mort et qui est le deuxième pays au monde qui compte le plus de changements de sexe, après la Thaïlande.

L’homosexualité en Iran est considérée comme une maladie et punie de mort. Le changement de sexe est présenté comme le remède à une maladie. La transformation est un processus de purification.

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Je ne dis pas qu’en France cela se passe comme en Iran. Mais je souligne que l’homophobie peut nourrir le transgenrisme. En France, il y a des exemples ponctuels et en Iran, c’est érigé au rang de système.

La dysphorie de genre n’est-elle pas une vraie souffrance ? Ne devons-nous pas nous féliciter de l’amélioration du traitement des trans ?

Oui, mais il faut se demander de qui est-ce qu’on parle lorsqu’on dit « les trans ». Il y a toujours eu une très petite minorité – une naissance sur 50 000 – d’hommes qui souffrent de dysphorie de genre. C’est un trouble, qui a été documenté, notamment pour l’OMS, l'Organisation mondiale de la santé. Il s’agit d’individus qui éprouvent un trouble dès l’enfance et qui persiste jusqu’à l’âge adulte, sans être influencés par les réseaux sociaux, comme c’est le cas maintenant.

« Les adolescentes subissent plus de violences sexuelles et souffrent plus des impacts de la puberté. »

Cette persistance est importante : il est impossible de savoir avec assurance si un enfant ou un ado est trans. C’est trop tôt. Dans plus de 80 % des cas, la puberté résout la dysphorie. Si le trouble persiste jusqu’à 25 ans ou plus, là oui, on sait qu’une transition peut soulager la personne.

Vous distinguez les trans adultes des adolescents. Chez ces derniers, il y a eu, en à peine une décennie, une explosion – multiplication par 10 en France et 40 au Royaume-Uni – et une féminisation des demandes de transition. Aujourd’hui, les trois quarts des ados trans sont à l’origine des jeunes filles. Pouvez-vous revenir dessus ?

À partir de 2010, nous avons en effet assisté à une explosion du nombre de demandes d’enfants et d’adolescents trans, ainsi qu’à une modification de la population.

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Pour certains, c’est simplement parce que les trans n’osaient pas parler avant et se sentent libres de faire maintenant. Je ne partage pas cette hypothèse. Elle évacue trop rapidement d’autres facteurs possibles. Beaucoup d’adolescentes pensent être un garçon parce qu’elles n’aiment pas avoir leurs règles, avoir des seins qui poussent, détestent leur corps, ont des troubles alimentaires, craignent de devenir des femmes ou ont du mal à interagir avec les autres filles.

Pourquoi y a-t-il plus de jeunes filles qui détestent leur corps que de jeunes garçons qui détestent leur corps ? La raison principale est qu’il est plus compliqué dans notre société d’être une jeune fille qu’un jeune garçon. Les adolescentes subissent plus de violences sexuelles et souffrent plus des impacts de la puberté.

« Le problème c’est que plusieurs études fiables montrent que cela n’aide pas les jeunes. »

Chez les adolescents qui se croient trans, il y a souvent un trouble psychique avec des comorbidités. Il faut explorer les causes de la demande de transition. Puis il faut voir si le trouble persiste à l’âge adulte. Personne ne dit que les trans n’existent pas. Le problème est de confondre un trouble avec une identité, qui peut être réclamée par n’importe qui ou qui peut masquer d’autres problèmes.

Les autistes sont également surreprésentés chez les adolescents trans. Pourquoi ?

L’autisme fait partie des troubles qui peuvent être confondus avec la transidentité, notamment celui des jeunes filles qui est moins bien diagnostiqué que celui des garçons. Lorsqu’une jeune fille éprouve des difficultés avec les rôles sociaux liés à la féminité et qu’elle a du mal à interagir avec les autres filles, parfois cela peut être des symptômes de troubles autistiques. Malheureusement, les psys et le corps médical proposent souvent trop rapidement à ces enfants une transition médicale, voire chirurgicale, qui, souvent, est lourde de conséquences et ne résout rien.

Mais si certains adolescents se sentent mieux après leur transition, et alors ?

Si c’était le cas, je n’aurais pas écrit ce livre. Le problème c’est que plusieurs études fiables montrent que cela n’aide pas les jeunes. Certains adolescents, surtout des filles, regrettent leur transition, expliquent que les médecins les ont poussés beaucoup trop vite, et que cela leur a été nuisible.

Quel rôle jouent, dans tout cela, les influenceurs sur les réseaux sociaux ?

Les adolescents sont influençables et sont extrêmement sensibles à l’opinion de leurs pairs. Donc, oui, il ne faut pas sous-estimer l’importance de ce que les jeunes voient sur les réseaux sociaux. D’autant plus qu’il s’agit d’une solution rapide et spectaculaire.

En quoi le transgenrisme fait-il le jeu du capitalisme ?

Pendant qu’on parle de cela, on ne pense pas à faire la révolution ! Pendant qu’on est un train de définir ce qu’est une femme, on oublie que la société reste divisée en classes et qu’on ne change pas de catégorie sociale à partir d’un simple discours. Il y a une réalité matérielle. Ensuite, les transitions coûtent cher, donc elles rapportent beaucoup à certains.

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Des laboratoires pharmaceutiques s’enrichissent grâce à cela. Ce ne serait pas un problème si c’était efficace. Mais là, ce n’est pas le cas. Ce qui est spectaculaire, c’est que des personnes en bonne santé deviennent des patients à vie. Quelqu’un qui se fait retirer l’utérus et les ovaires a besoin d’hormones synthétiques toute sa vie.

***

Pauline Arrighi, Les ravages du genre, Cerf, 208 p., 19 €

QOSHE - Pauline Arrighi : "Chez les adolescents qui se croient trans, il y a souvent un trouble psychique" - Kevin Boucaud-Victoire
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Pauline Arrighi : "Chez les adolescents qui se croient trans, il y a souvent un trouble psychique"

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27.11.2023

Marianne : Pouvez-vous revenir sur la définition d’une femme ? En quoi est-ce si important de le rappeler ?

Pauline Arrighi : Une femme est un être humain, qui a le plus souvent, sauf exception, deux chromosomes X et un certain rôle dans la procréation. Elle peut, sauf anomalie médicale, porter un enfant. Cette définition n’est pas futile. La division de l’humanité en deux, sauf exceptions, est importante biologiquement comme socialement.

En quoi la définition proposée par les études de genre vous gêne ?

Une nouvelle définition de ce que sont un homme et une femme est arrivée récemment. Elle veut s’affranchir de la biologie. Normalement, on définit quelque chose par des critères observables. Les femmes et les hommes ont des caractéristiques observables dans l’ADN et dans le corps.

Aujourd’hui, on essaie d’ignorer des critères factuels, au profit de nouveaux critères très nébuleux : « Je suis une femme parce que je me sens femme. » C’est tautologique et cela n’explique rien. La définition repose donc sur un discours. Est une femme qui se considère comme telle et la société doit s’adapter à cela.

Votre livre s’intitule Les ravages du genre. Le concept de « genre »a le mérite de rappeler qu’hommes et femmes sont assignés à des rôles sociaux, qui ont contribué à inférioriser les secondes, mais qui ont aussi porté atteinte à ceux qui s’en écartaient, par exemple les hommes jugés pas assez virils. N’est-ce pas un progrès ?

La définition du mot « genre » a aussi évolué. Au départ, cette notion permet de distinguer la réalité du corps des rôles sociaux ou des traits de personnalité, qui lui sont associés. Ce n’est pas parce que les femmes portent les enfants et accouchent qu’elles doivent se cantonner aux rôles domestiques. À l’inverse, les hommes ne sont pas naturellement dominants. Distinguer la biologie du corps et le rôle social est un vrai progrès.

A LIRE AUSSI : Entre "TERF" et "transactivistes", féministes et militants LGBT se déchirent sur la question trans

Mais aujourd’hui, le genre prétend que le rôle social fait la réalité de la personne. Donc, que si je ne m’identifie pas au rôle social assigné aux femmes et à la « féminité », c’est je ne suis pas une femme. Il s’agit d’un retournement.

Cette vision réintroduit les stéréotypes : la femme porte des robes et met du rouge à lèvres. Et si un homme fait de même, c’est qu’en réalité, c’est une femme…

Oui, c’est........

© Marianne


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