Je n'ai pas 5 ans quand je rencontre Goku pour la première fois. Pas vraiment le choix : chez moi, Dragon Ball fait partie intégrante de la tradition familiale. À la veille de mon entrée au CP, mes trois frères aînés, déjà au lycée, regardent quotidiennement la version animée du célèbre manga japonais créé en 1984. Évidemment, en tant que « petit dernier » de la fratrie, je veux les copier. Alors, chaque jour, je tente de m'incruster devant l'écran. De me faire une petite place sur le canapé.

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Au début, je pose plein de questions, car je ne comprends pas grand-chose. Je vois des personnages avec des queues de singe (les Sayans), des bonhommes verts (Piccolo et les habitants de la planète Namek) ou des attaques aux noms difficilement prononçables pour un petit garçon, à l'image du mythique « Kamehameha ». Qu'importe : le manga d'Akira Toriyama – et sa suite, Dragon Ball Z – commence à rythmer ma vie.

Une fois à l'école élémentaire, difficile de rester concentré. Dans ma tête, le générique (version originale) résonne : « Cha-La Head-Cha-La ! » Pendant les récrés, j'essaie de faire des « fuuuuu-sions » avec mes copains. À la pause de midi, pas de cantine. Je rentre à la maison, pour ne jamais manquer les épisodes diffusés sur MCM. Devant la chaîne du groupe M6, je vis mes premiers émois. Quand Goku se sacrifie pour sauver son fils Gohan face à un de leurs plus grands ennemis, Cell, je ne peux retenir mes larmes – ridicule ou non, les fans comprendront.

Vers mes 8 ans, je découvre les produits dérivés. Quand j'accompagne ma mère au supermarché et que j'ai été gentil, j'ai le droit à une petite figurine, celles qu'on trouve dans les machines à boules à la sortie des magasins. En quelques mois, la collection s'agrandit. Je dispose mes personnages sur un tapis dans ma chambre… jusqu'au drame : un jour, je me rends compte que mes héros ont été mâchouillés. Le fautif ? Mon chien, Patou.

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Plus tard, c'est au tour des adaptations en jeux vidéo d'animer mes journées. Avec la série « Dragon Ball Z : Budokai Tenkaichi » sur Nintendo GameCube, puis sur Wii. Quelques années passent encore, avant que je franchisse un cap : j'ai presque 12 ans, je suis un « grand garçon ». Fini de regarder le manga… je veux le lire. Ma mère, qui ne m'a jusqu'alors jamais offert de livre, se met à m'acheter la version papier. Un tome à la Saint-Nicolas, un autre à Pâques. L'œuvre m'apparaît différente. Je la redécouvre.

Les années passent alors et mes relations avec l'univers de Dragon Ball se font plus distantes. Pour autant, ma passion pour la fiction japonaise s'étend de Naruto à One Piece en passant par Bleach. Jusqu’à ce que j'entre à l'université. Dans ma bibliothèque, romans et essais remplacent peu à peu les mangas. La fiction de Toriyama n'est plus un élément de ma vie quotidienne : il est déjà un vestige de mon enfance.

Mais parfois, la nostalgie m'emporte. Comme quand j'ai 20 ans et que l'un de mes grands frères, à plus de 35 ans, m'offre un album Panini de Dragon Ball Super, suite de Dragon Ball Z. « Je te l'ai pris car j'ai plein de doubles. Il faut qu'on fasse des échanges », me dit-il, les yeux empreints des lueurs de l'adolescence. Je me mets à coller les stickers dans les cases correspondantes. Les souvenirs fusent.

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À quelques jours de mes 25 ans, alors que Goku et ses amis m'accompagnent déjà depuis deux décennies, la notification surgit sur mon téléphone : « Akira Toriyama, le créateur de Dragon Ball, est décédé. » Des frissons parcourent mon corps. La moitié de ma jeunesse est morte le 1er mars 2024.

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"Dragon Ball fait partie de la tradition familiale" : Akira Toriyama est mort et avec lui la moitié de ma jeunesse

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08.03.2024

Je n'ai pas 5 ans quand je rencontre Goku pour la première fois. Pas vraiment le choix : chez moi, Dragon Ball fait partie intégrante de la tradition familiale. À la veille de mon entrée au CP, mes trois frères aînés, déjà au lycée, regardent quotidiennement la version animée du célèbre manga japonais créé en 1984. Évidemment, en tant que « petit dernier » de la fratrie, je veux les copier. Alors, chaque jour, je tente de m'incruster devant l'écran. De me faire une petite place sur le canapé.

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Au début, je pose plein de questions, car je ne comprends pas grand-chose. Je vois des personnages avec des queues de singe (les Sayans), des bonhommes verts (Piccolo et les habitants de la planète Namek) ou des attaques aux noms difficilement prononçables pour un petit garçon, à l'image du mythique « Kamehameha ». Qu'importe : le manga d'Akira Toriyama – et sa suite,........

© Marianne


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