C'est un poncif : il y a de l'acteur de théâtre chez Emmanuel Macron. Mais on a bien compris, devant sa conférence de presse à l'Élysée ce 16 janvier, qu'il y avait aussi de l'imitateur chez lui. Parce que les accents gaulliens dans la façon de pratiquer l'exercice avaient quelque chose d'un tout petit peu appuyé. Sur le fond, qu'a apporté cette conférence de presse ? Premier point, et c'est toute la limite de l'exercice : les journalistes posent des questions, censées ne pas avoir été données à l'avance, et il y répond normalement. À partir de son improvisation certes, mais les journalistes, eux, ne peuvent pas reprendre. Il n'y a donc pas plus de liberté dans cet exercice que dans celui de l'allocution, même si les journalistes peuvent se permettre quelques questions un petit peu piquantes, le jeu étant de briller devant ses petits camarades. D'ailleurs, les questions qui remportent les plus grands suffrages de la profession portent sur la politique politicienne.

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Pour le fond, qu'y avait-il dans cette conférence de presse ? Une posture autoritaire, axant sur la discipline, le mérite et l'autorité à l'école : une France plus forte et dans laquelle on peut porter un vêtement unique, voire expérimenter l'extension du vêtement unique, et divers autres aménagements du programme scolaire pour aller vers quelque chose de plus patrimonial et de plus culturel, un renforcement de l'éducation civique. Immédiatement, quels ont été les commentaires de la presse ? « Mon Dieu, c'est une vision réac ». En effet, et on fera remarquer qu'en 2017, Emmanuel Macron aurait traité de « réac » et de « déclinistes », et d'ailleurs l'a fait, ceux qui défendaient ce genre de mesures. Mais nous sommes en 2024 et il s'agit de prévenir la montée du Rassemblement national (RN), en particulier pour les européennes. Le but de cette conférence de presse était d'éviter le gadin en juin prochain. Il s'agit donc de couper l'herbe sous le pied du RN, quitte à faire hurler une presse qui se croit progressiste quand elle estime qu'il ne faut surtout pas demander le moindre effort aux élèves. Et c’est exactement ce qui est apparu.

Surtout, durant cette allocution bourrée de petites mesures tout à fait intéressantes qui ne font pas de mal, à aucun moment il n'aura été question du nerf de la guerre : l'économie. Une journaliste a bien tenté quelques questions sur la transition climatique, mais guère plus. D'ailleurs, la réponse a été assez rapide. En revanche, l'investissement dans l'école que nécessitent les mesures proposées en termes d'heures d'enseignement, donc de postes de professeurs, il n'en a pas été question.

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Plus largement, sur toutes les questions essentielles – crise du logement ou pouvoir d'achat – à aucun moment ne s'est posée la question de la politique budgétaire et monétaire, donc des contraintes imposées par la par la Banque centrale européenne (BCE) qui est en train de remonter ses taux, ce qui va très rapidement et ce qui est déjà en train de bloquer l'économie. Rien sur les défaillances d'entreprises qui explosent. De tout cela, il n'aura pas été question parce que la caste journalistique trouve qu'il est bien plus important de savoir quelle liste va arriver en tête aux européennes, le RN ou les macronistes.

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Une fois de plus, on sera passé à côté des sujets de fond. Trois jours plus tard, on en retient les questions éducatives et la sortie du président sur l'infertilité. Là aussi, l'économie est passée sous silence. Lutter contre l'infertilité, sujet essentiel, est très bien. Mais le plan contre l'infertilité et le resserrement du congé parental en un congé de naissance vont-ils changer quoi que ce soit quand les Français n'ont pas de quoi se loger, donc certainement pas de quoi agrandir leur logement ? L'exercice de la conférence de presse permet de passer sur les problèmes comme l'eau sur les plumes du canard et on est très souvent aidé en cela par les questions des journalistes.

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Natacha Polony : "Le but de la conférence de Macron ? Éviter un gadin aux européennes et occulter les vrais sujets"

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18.01.2024

C'est un poncif : il y a de l'acteur de théâtre chez Emmanuel Macron. Mais on a bien compris, devant sa conférence de presse à l'Élysée ce 16 janvier, qu'il y avait aussi de l'imitateur chez lui. Parce que les accents gaulliens dans la façon de pratiquer l'exercice avaient quelque chose d'un tout petit peu appuyé. Sur le fond, qu'a apporté cette conférence de presse ? Premier point, et c'est toute la limite de l'exercice : les journalistes posent des questions, censées ne pas avoir été données à l'avance, et il y répond normalement. À partir de son improvisation certes, mais les journalistes, eux, ne peuvent pas reprendre. Il n'y a donc pas plus de liberté dans cet exercice que dans celui de l'allocution, même si les journalistes peuvent se permettre quelques questions un petit peu piquantes, le jeu étant de briller devant ses petits camarades. D'ailleurs, les questions qui remportent les plus grands suffrages de la profession portent sur la politique politicienne.

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© Marianne


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