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Je n'ai pas d'enfants et, franchement, quand je vois la manière dont les progénitures d'Alain Delon traitent leur père, je n'ai aucun mais alors aucun regret. Je me vois déjà dans mon grand âge, entouré de pique-assiettes qui essaieraient par tous les moyens de hâter ma mort. Ils planqueraient mon Valium au fond de la cuvette des chiottes, me mettraient entre les pattes une dame de compagnie goy au dernier degré, chercheraient à me faire débaucher par le curé de la paroisse, disperseraient aux quatre vents mes manuscrits inachevés.

Travailler toute sa vie pour s'assurer que vos enfants ne manqueront jamais de rien et s'apercevoir, au bord de la tombe, que leur seule obsession est de savoir qui décrochera le premier la une de Paris Match, voilà de quoi rendre la vasectomie obligatoire, sitôt le premier moutard arrivé. Pas un pour rattraper l'autre. Entre ceux qui veulent arrêter son traitement et celle désireuse de le rapatrier à Genève, difficile de dire lequel des enfants Delon fait preuve de plus d'inventivité.

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Vous connaissez Genève? C'est déjà une ville morte. Et on voudrait le transférer dans ce mouroir! Autant allumer le gaz tout de suite. Moi si j'étais Delon, à la première évocation d'un aller simple en Suisse, je prends ma collection de Paris Match, je grimpe dessus, je fais coulisser la laisse de mes chiens adorés au plafond, et hop, à moi les retrouvailles brûlantes avec Mireille Darc et Romy Schneider.

À quoi bon atteindre la vieillesse, si c'est pour se retrouver bringuebalé entre des enfants qui, de ton cadavre à venir, font déjà une bataille de polochons? Un vieux, cela se respecte, ce n'est pas un trophée de chasse qu'on exhibe à tous les vents pour s'attirer la sympathie du public. Et tous ces communiqués, mon Dieu?! Ces avocats, ces demandes d'expertise, de contre-expertise, ces accusations, ces dénégations, ces «C'est pas moi, c'est elle», peut-on imaginer spectacle plus macabre, plus grotesque, plus dégradant?

Alain, si tu me lis, tu les déshérites tous et tu m'introduis comme ton légataire universel. Avec moi, ton héritage sera entre de bonnes mains. Pas d'entourloupe, pas de presse people, pas de déclarations tapageuses, pas de voyages impromptus en Suisse, pas de guerre de succession, pas d'avocats payés des fortunes. Rien. Je prends tout et je partage le reste avec moi-même.

De toutes les manières, en général, je trouve que les stars, les célébrités, les cadors de leur profession, ne devraient jamais avoir d'enfants. Déjà que la vie n'est pas marrante tous les jours, si en plus, il faut vivre à l'ombre d'un parent qui attire à lui toute la lumière, mieux vaut se pendre direct à son cordon ombilical. Car enfin, les choix sont des plus limités: soit, au regard de la carrière de ton père ou de ta mère, tu deviens le plus grand des ratés; soit tu es renvoyé à ta condition de fils à papa/maman qui doit son éventuelle réussite à son seul patronyme.

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Ceci dit, il y a pire, bien pire, que d'être les enfants d'Alain Delon. Tu peux aussi, sans avoir rien demandé à personne, te retrouver avec un père dont le seul talent dans la vie aura été de jouer au tueur en série. Je dis cela parce que, la semaine dernière, Nordahl Lelandais, des murs de sa cellule, a été visité par les mystères de la paternité. Oui, vous ne rêvez pas, c'était dans tous les journaux, Nordahl Lelandais a eu un fils!

Pourra-t-on jamais expliquer ce qui peut bien se passer dans la tête d'une femme qui décide, en toute connaissance de cause, d'avoir un enfant avec un homme au parcours pareil? Certes, l'amour rend aveugle. Certes, d'avoir son fiancé condamné à la perpétuité, c'est la garantie de pouvoir élever son gamin tranquille, loin des bières et des mégots de cigarette, mais précisément, cet enfant, a-t-on seulement songé une seule seconde à lui, à ce fardeau d'avoir comme géniteur un homme au passé ensanglanté de plusieurs crimes?!

Vertigineux.

Par quel miracle cet enfant trouvera-t-il un équilibre dans sa vie? Comment pourra-t-il accepter l'idée que sa mère ait eu cette trouvaille formidable de s'acoquiner non seulement avec un meurtrier de haut rang mais en plus de lui offrir une descendance? Devenu grand, il devrait être autorisé à porter plainte pour abus de naissance. Je ne sais pas moi, mais nos deux tourtereaux, nos Roméo et Juliette du parloir, à la place d'un gosse, ils ne pouvaient pas adopter un chat, sponsoriser une baleine, encore mieux, s'étrangler l'un l'autre?

Une vasectomie universelle, voilà ce que je prône.

La Terre en profiterait pour se reposer.

Et l'Amazonie, de ses forêts retrouvées, ferait la une de Paris Match!

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Quand je vois le sort réservé à Alain Delon, je me dis que j'ai bien fait de ne pas avoir d'enfants!

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16.01.2024

Temps de lecture: 3 min

Je n'ai pas d'enfants et, franchement, quand je vois la manière dont les progénitures d'Alain Delon traitent leur père, je n'ai aucun mais alors aucun regret. Je me vois déjà dans mon grand âge, entouré de pique-assiettes qui essaieraient par tous les moyens de hâter ma mort. Ils planqueraient mon Valium au fond de la cuvette des chiottes, me mettraient entre les pattes une dame de compagnie goy au dernier degré, chercheraient à me faire débaucher par le curé de la paroisse, disperseraient aux quatre vents mes manuscrits inachevés.

Travailler toute sa vie pour s'assurer que vos enfants ne manqueront jamais de rien et s'apercevoir, au bord de la tombe, que leur seule obsession est de savoir qui décrochera le premier la une de Paris Match, voilà de quoi rendre la vasectomie obligatoire, sitôt le premier moutard arrivé. Pas un pour rattraper l'autre. Entre ceux qui veulent arrêter son traitement et celle désireuse de le rapatrier à Genève, difficile de dire lequel des enfants Delon fait preuve de plus d'inventivité.

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