21 novembre 2013

Je suis dans mon bureau à mon emploi de jour. J’ai hâte que la journée se termine, car en soirée, Bertrand Hébert et moi sommes invités à notre tout premier Salon du livre de Montréal avec notre bouquin sur l’histoire de la lutte au Québec.

Vers la fin de l’avant-midi, je reçois un courriel, un courriel auquel je ne m’attendais pas. Un courriel que j’aurais aimé ne pas recevoir: Maurice Vachon serait décédé.

J’appelle son épouse, Kathie, afin de valider l’information.

Pas de réponse.

J’appelle donc son frère Paul. Son épouse Dee me confirme la triste nouvelle.

Le décès de Maurice vient me chercher droit au cœur. Je l’avais bien connu.

Plusieurs années auparavant, par l’entremise de Paul Leduc, j’avais communiqué avec Maurice pour qu’il fasse partie du comité de sélection pour le Temple de la renommée de la lutte au Québec que j’avais fondé. Ma première conversation avec lui a donc été téléphonique. Je l’avais trouvé super gentil. Un bon monsieur. Il avait accepté sur le champ et m’avait donné son adresse pour que je puisse lui envoyer le bulletin de vote.

J’avais ajouté une enveloppe préaffranchie pour qu’il puisse me la retourner sans frais.

Quelques semaines plus tard, j’ai reçu une grande enveloppe. Dans celle-ci, il y avait le bulletin de vote dûment rempli, mais en plus, Maurice avait inséré plusieurs photos de lui autographiées.

Je n’en revenais pas! Quelle générosité!

Puis, en 2009, un documentaire est en chantier sur Maurice, avec une date de sortie en décembre de la même année. Parallèlement, en novembre, on en profite pour l’introniser au Panthéon des sports du Québec.

Je communique avec le documentariste Yves Thériault afin de pouvoir rencontrer Maurice. Il allait passer quelques jours à Montréal.

Et c’est alors que les choses déboulent.

Le jeudi, j’avais rencontré Maurice pour la première fois, au centre de réhabilitation Lucie-Bruneau, là où il avait passé du temps après son accident qui lui avait coûté une jambe. On avait joué au crible. Moi et Kathie contre les frères Vachon. Et je suis fier de dire que j’ai une victoire à ma fiche contre les Vachon!

Puis, le samedi, de concert avec l’une des plus vieilles promotions de lutte au Québec, la NCW, on organise une soirée hommage aux frères Vachon. Maurice prend le micro. Paul frappe un des vilains de la place. Les deux signent des autographes et prennent des photos avec les amateurs. Une soirée magique! Il s’agira de la dernière fois que les deux frères se retrouveront en même temps dans une salle de lutte au Québec.

Quelques années auparavant, Maurice avait parlé de moi à son frère Paul et on s’était parlés et vus à quelques reprises. Si bien que Paul m’avait demandé d’organiser une soirée le dimanche soir avec sa famille et quelques amis, dont Guy Émond, Régis Lévesque et quelques autres anciens.

Il m’avait dit d’inviter mes parents et j’avais pris une photo avec mon père et Maurice, une photo que je chéris encore aujourd’hui, mon père étant parti rejoindre Maurice six mois après ce dernier.

J’avais aussi été invité le lundi soir à la cérémonie d’intronisation de Maurice au Panthéon. Une bien belle soirée. Il y avait une aura autour de Maurice. Partout où il passait, les gens se retournaient. J’avais fait le tour de quelques médias en sa compagnie et la réaction des gens était unanime, qu’on l’ait connu ou pas et même s’il était assis dans son fauteuil roulant. Je me souviens encore de voir Diane Lavallée (Thérèse dans La Petite Vie) et l’Olympienne Annie Pelletier être tellement contentes de prendre une photo avec lui.

J’avais ensuite revu Maurice à quelques reprises, principalement à Waterloo, en Iowa, où se déroulait annuellement une cérémonie afin d’honorer les lutteurs qui avaient aussi eu une bonne carrière en lutte amateur.

Il continuait à voter pour le Temple de la renommée du Québec. Une année, il m’avait envoyé son bulletin de vote en retard. Lorsque je l’ai reçu, sur l’enveloppe, il m’avait écrit un mot, disant qu’il était désolé pour le retard, mais qu’il était en avance sur l’année suivante.

Il y avait aussi cette note :

« Pat, tu fais du beau travail. Je suis fier de toi! »

À ce jour, ce mot me touche encore. Ça aura été la dernière fois qu’il a voté.

Et c’est en juillet 2013, à Waterloo, que j’allais le voir pour la dernière fois. Il était changé. Sa mémoire lui faisait défaut au point d’être obligé d’arrêter en plein milieu d’un autographe, car il ne se souvenait plus de son nom de famille.

Il se souvenait cependant d’une chose: comment jouer au crible! Au point de nous reprendre Kathie et moi lorsqu’on comptait mal nos points!

Alors quand Dee me confirme le décès de Maurice, ce sont tous ces souvenirs qui refont surface.

Par contre, je n’ai pas beaucoup de temps pour me perdre dans ceux-ci. Je mets une publication sur les réseaux sociaux et mon téléphone se met immédiatement à sonner. Il ne dérougit pas.

Tous les médias veulent me parler. Je n’exagère même pas. On veut soit m’interviewer, soit me demander des contacts d’anciens lutteurs ayant connu Maurice. Même notre maison d’édition, Libre Expression, reçoit des appels et des courriels.

Je réalise rapidement deux choses: je ne pourrai pas finir ma journée de travail et je ne serai pas capable de répondre à toutes les demandes.

Je vais donc voir ma patronne et lui demande de prendre congé le reste de la journée en utilisant ma banque de temps. La demande m’est accordée. Puis, je demande à Bertrand, qui habite à Beauharnois, de s’occuper de certaines demandes radiophoniques.

De mon côté, j’essaye l’impossible, c’est-à-dire me séparer en trois.

Le quadrilatère Papineau-Maisonneuve-Alexandre-de-Sève-René-Lévesque est assez garni en réseaux de télévision. Les trois principaux réseaux francophones dans ce secteur me veulent en studio pour midi.

C’est juste impossible.

Je réussis à négocier des entrevues enregistrées à l’avance et je trouve une façon, en courant littéralement entre les entrevues, de faire les trois: Radio-Canada, RDS et TVA.

Je fais quelques entrevues pour l’écrit et la radio puis je retourne à TVA en début de soirée, car Gino Brito, Bertrand Hébert et moi-même sommes invités à l’émission de

Denis Lévesque. Puis de là, on quitte vers la place Bonaventure pour le Salon du livre.

En chemin, je propose une idée à Bertrand.

-Que dirais-tu de faire une vraie, bonne biographie sur Maurice?

Maurice avait publié une autobiographie dans les années 1980, mais pas une de très grande qualité. C’était à l’époque où les secrets de la lutte étaient encore conservés et l’auteur avait fait un travail plus que moyen.

Par exemple, il parlait d’un lutteur que Maurice avait connu, un certain Al Coogan. Je n’avais aucune idée c’était qui et plus je prononçais son nom, moins ça me disait quelque chose. Jusqu’à ce que je comprenne: Al Coogan, Hal Cogan, Hul Cogan, Hulk Hogan. HULK HOGAN!!!!

Ben oui, je vous jure que l’auteur l’avait écrit ainsi et que ça avait passé le processus d’édition. On était à la fin des années 1980 pourtant. Incroyable!

En arrivant au Salon, Bertrand et moi proposons l’idée à nos éditeurs, qui ont immédiatement un intérêt. Ils avaient vu, comme nous, le raz-de-marée de témoignages et toute la couverture médiatique entourant son décès.

Étant donné que Maurice allait être enterré à Omaha au Nebraska, là où lui et Kathie habitaient depuis des années, une autre idée se développe, celle de lui rendre un hommage public ici au Québec. C’est donc avec son documentariste, Yves Thériault, que je me suis jumelé pour lui rendre ce dernier hommage.

Tous les médias étaient présents, de même que la famille Vachon. Une plaque a été présentée et installée sur le mur de la Cage aux Sports de la Place Versailles. Une annonce a aussi été faite: Bertrand et moi allions écrire la biographie de Maurice.

Une soirée mémorable!

Maurice est reconnu pour avoir aidé de nombreux Québécois au cours de sa carrière. Son frère Paul et Pat Patterson, entre autres, ont admis qu’ils n’auraient pas eu de carrière sans Maurice.

En discussion avec Paul, Bertrand et moi lui avions dit que d’une certaine façon, on croyait que Maurice nous avait aussi aidés.

Je m’explique.

Nous avions sorti la version francophone de notre livre en octobre 2013. Pour l’occasion, nous avions eu droit à une grosse tournée médiatique. Un mois plus tard,

par son décès, Maurice nous permettait à Bertrand et à moi de faire une autre tournée médiatique et de faire parler de notre livre.

Serions-nous les deux derniers québécois que Maurice aura aidés dans le monde de la lutte?

« C’est une très belle façon de voir les choses », nous avait dit Paul.

Pour l’écriture du livre, je m’étais, entre autres, rendu à Omaha pour interviewer Kathie. Trois jours au total. J’avais eu un gros coup de cœur pour la veste que Maurice avait porté lors de sa tournée de retraite et pour un énorme cadre, une peinture de sa photo préférée, une photo signée Linda Boucher.

Par la suite, j’ai toujours gardé le contact avec Kathie. Puis, ce fut son tour de souffrir de démence. Après son décès en 2021, sa sœur m’a contacté. Kathie m’avait légué deux items: la veste et le cadre.

Encore à ce jour, vous n’avez pas idée à quel point ça me touche. Je fais partie des privilégiés qui ont eu la chance de côtoyer Maurice Vachon. Pas juste Mad Dog le lutteur, mais Maurice l’homme.

S’il y a une chose que j’espère me souvenir lorsque je serai vieux et que ma mémoire commencera à me faire défaut, c’est ma relation avec Paul, Dee, Kathie, la famille Vachon et plus particulièrement Maurice.

Dix ans après son décès, son souvenir est toujours aussi présent.

Salut Maurice! J’espère que tu te portes bien là où tu es! Juste te dire que sur Terre, on ne t’a pas encore oublié!

Et tu sais quoi? Ça ne prend pas un dictionnaire pour comprendre ça!

QOSHE - Mad Dog Vachon, déjà 10 ans! - Patric Laprade
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Mad Dog Vachon, déjà 10 ans!

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21.11.2023

21 novembre 2013

Je suis dans mon bureau à mon emploi de jour. J’ai hâte que la journée se termine, car en soirée, Bertrand Hébert et moi sommes invités à notre tout premier Salon du livre de Montréal avec notre bouquin sur l’histoire de la lutte au Québec.

Vers la fin de l’avant-midi, je reçois un courriel, un courriel auquel je ne m’attendais pas. Un courriel que j’aurais aimé ne pas recevoir: Maurice Vachon serait décédé.

J’appelle son épouse, Kathie, afin de valider l’information.

Pas de réponse.

J’appelle donc son frère Paul. Son épouse Dee me confirme la triste nouvelle.

Le décès de Maurice vient me chercher droit au cœur. Je l’avais bien connu.

Plusieurs années auparavant, par l’entremise de Paul Leduc, j’avais communiqué avec Maurice pour qu’il fasse partie du comité de sélection pour le Temple de la renommée de la lutte au Québec que j’avais fondé. Ma première conversation avec lui a donc été téléphonique. Je l’avais trouvé super gentil. Un bon monsieur. Il avait accepté sur le champ et m’avait donné son adresse pour que je puisse lui envoyer le bulletin de vote.

J’avais ajouté une enveloppe préaffranchie pour qu’il puisse me la retourner sans frais.

Quelques semaines plus tard, j’ai reçu une grande enveloppe. Dans celle-ci, il y avait le bulletin de vote dûment rempli, mais en plus, Maurice avait inséré plusieurs photos de lui autographiées.

Je n’en revenais pas! Quelle générosité!

Puis, en 2009, un documentaire est en chantier sur Maurice, avec une date de sortie en décembre de la même année. Parallèlement, en novembre, on en profite pour l’introniser au Panthéon des sports du Québec.

Je communique avec le documentariste Yves Thériault afin de pouvoir rencontrer Maurice. Il allait passer quelques jours à Montréal.

Et c’est alors que les choses déboulent.

Le jeudi, j’avais rencontré Maurice pour la première fois, au centre de réhabilitation Lucie-Bruneau, là où il avait passé du temps après son accident qui lui avait coûté une jambe. On avait joué au crible. Moi et Kathie contre les frères Vachon. Et je suis fier de dire que j’ai une victoire à ma fiche contre les Vachon!

Puis, le samedi, de concert avec l’une des plus vieilles promotions de lutte au Québec, la NCW, on organise une soirée hommage aux frères Vachon. Maurice prend le micro. Paul frappe un des vilains de la place. Les deux signent des autographes et prennent des photos avec les amateurs. Une soirée magique! Il s’agira de la dernière........

© TVA Sports


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